La TR4 de Michel

Première sortie

 

Traversant la porte entrouverte du portail, un rayon de soleil matinal vint frapper la parabole chromée des phares de la vieille voiture de collection qui sommeillait paisiblement. Elle en fut surprise car il y a plusieurs mois déjà qu’elle somnolait dans ce garage, contrainte à l’inactivité à cause des intempéries et de ce fichu virus qui, bien qu’elle ne risquait pas de l’attraper, semblait bousculer tous les projets de son propriétaire.

Il ouvrit complètement le portail, se pencha sur le capot, actionna le levier de déverrouillage puis enfonça la main tout au fond du moteur pour aller chercher la poignée de la jauge à huile. C’était un peu insultant de sa part. Bien sûr, elle n’était plus très jeune, mais pas encore incontinente. Juste parfois quelques gouttes d’huile qui s’échappaient d’un joint un peu fatigué et qui laissait passer quelques traces noirâtres. Rien de bien inquiétant.

Il jeta un œil sur la jauge, l’essuya, la remit en place apparemment satisfait et claqua le capot qui se referma dans un bruit de tôle. Il vint s’installer derrière le volant, tata de la main le cuir patiné du siège conducteur et enfonça délicatement la clé de contact dans le neiman du tableau de bord.

Etait ce enfin le grand jour ? Celui qu’elle attendait impatiemment après de longs mois d’inactivité ? Ce simple geste lui fit l’effet d’une piqûre de vitamines. Mais elle avait l’intention de se faire prier. Il y a si longtemps qu’elle s’était endormie. C’était un peu comme si le Prince charmant venait réveiller sa Belle au bois dormant après un long sommeil.

Il tourna la clé de contact. Les aiguilles des cadrans se mirent à bouger, un voyant rouge illumina le tableau de bord. Cela prouvait au moins qu’elle avait encore de l’énergie. Il tourna un peu plus la clé et le démarreur émit son grognement si caractéristique.

Il était difficile de réveiller toute ces articulations et ces pignons engourdis dans leur huile devenue épaisse avec le temps. Mais, pas question de démarrer sans avoir droit à un petit remontant : elle refusa obstinément de faire rugir le moteur tant qu’elle n’aurait pas eu la satisfaction de recevoir une gorgée supplémentaire d’essence.

Après trois tentatives infructueuses, il tira enfin la manette de starter provoquant l’ouverture des papillons des carburateurs prêts à se goinfrer de carburant. Après avoir absorbé une bonne lampée de super elle décida de s’enflammer de plaisir. Le moteur se mit à toussoter puis, après quelques pétarades, à ronronner régulièrement. Le pot d’échappement, en vibrant, transmit son plaisir à toute la suspension qui se mit à grincer en cadence.

Il engagea une vitesse. L’huile encore froide de la boite lui opposa une légère résistance. Il embraya délicatement. Le capot avança doucement son nez en dehors du garage. Une légère pression sur la pédale de frein et la voiture s’immobilisa dans un grincement de garnitures. Les rayons du soleil faisaient briller la carrosserie et réchauffaient lentement la tôle. Le conducteur semblait apprécier ce moment autant que sa voiture.

Après quelques instants, il embraya et s’engagea sur le bitume encore tout recouvert de rosée.

C’était peut être le début de nouvelles aventures…

MS

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